Bret Easton Ellis est jeune, branché mais c'est d'abord un auteur culte. Son premier roman décrivait l'existence de riches californiens désoeuvrés et son second, l'existence de riches californiens à l'université. Mais Easton Ellis est surtout l'homme d'un livre : AMERICAN PSYCHO qui a choqué l'Amérique en racontant l'histoire d'un jeune yuppie New-Yorkais se transformant en serial-killer sa journée de travail terminée. A l'heure où le livre va être adapté au cinéma, revenons sur la carrière et l'univers de ce jeune romancier.

 

Bret Easton Ellis est né en 1964 à Los Angeles. Il a fait ses études au Bennington College et vit actuellement entre New-York et Richmond. Il est clavier d'un groupe new wave dans les années 80 ce qui explique ses influences qui se rapprochent plus de MTV et du rock'n roll que de la littérature. Son univers est composé de strates récurrentes : tous ses personnages sont jeunes, beaux, riches et leur vie se résume à sortir dans les endroits branchés, à regarder des chaînes insipides à la télé, à se droguer et à ne rien faire. Le tout sur fonds d'Amérique des années 80, entre MTV et républicanisme triomphant. Il a connu la gloire à 20 ans avec Moins que zéro (adapté au cinéma), puis une petite baisse avec Les Lois de l'attraction. On l'a classé avec David Leavitt, Jay McInerney, parmi les nouveaux minimalistes, des auteurs prompts à capter l'air du temps. Après ces deux livres, son agent littéraire lui obtient une avance de 300 000 dollars pour qu'il écrive un roman sur un serial killer New-Yorkais. Ce sera American Psycho (qui est aujourd'hui un best seller). A la remise du manuscrit , l'éditeur Simon & Schuster a abandonné les dollars et refusé le livre. Epouvanté, la maison Vintage, elle, n'a pas hésité. En dépit du scandale provoqué par la simple mise en circulation de quelques extraits en épreuves, elle a bravé l'opinion publique et les ligues féministes qui ont appelé au boycott des libraires distributeurs d'Ellis. Celui-ci a dû prendre un garde du corps, il a reçu des tonnes d'injures et de menaces de mort. Ne cherchant pas à choquer, la polémique du livre sera une bonne publicité et lui apportera un lectorat beaucoup plus important. Il a vendu des milliers d'exemplaires du livre aux Etats-Unis et aujourd'hui, le livre est traduit dans 24 pays où, l'indignation est beaucoup plus molle. Il enchaine ensuite avec un 4ème roman constitué de nouvelles : Zombies et s'apprête actuellement à sortir en France (le livre est déjà sorti aux USA depuis de nombreux mois) Glamorama. Il entame d'aillleurs une tournée de promotion intitulée Glamorama World Tour 99.

"Je crois qu'on ne peut s'empêcher de devenir adulte; ça arrive, c'est tout. Et alors, la dépression, les pensées sombres tendent à se dissiper, et même si vous aimeriez garder ce côté ado, il vous échappe... alors je ne sais pas si je suis encore un adolescent. Je sais en revanche que c'est très difficile d'être adulte quand on est un artiste. On vit comme sur une île, seul la plupart du temps, occupé à créer, sans responsabilité, sans famille, sans boulot, sans obstacle...On est dans un état d'adolescence attardée nécessaire pour créer, mais qui peut aussi être préjudiciable pour le reste, en particulier dans vos rapports avec les autres...mais c'est une autre histoire."

Bret Easton Ellis à Libération, le 26 septembre 1996

 

Ses livres sont : Moins que Zéro (1985) - Les lois de l'attraction (1987) - American Psycho (1991) - Zombies (1997) - Glamorama (1999) -sortie prévue en octobre en France-

 Retour sur LE livre culte de Bret Easton Ellis "AMERICAN PSYCHO"

Résumé : Patrick Bateman, 26 ans, flamboyant golden boy de Wall Street, fréquente les endroits où il faut se montrer, sniffe quotidiennement sa ligne de coke, et surtout ne se pose aucune question. Parfait yuppie des années 80, le jour il consomme. Mais la nuit, métamorphosé en serial killer, il tue, viole, égorge, tronçonne, décapite.

Critique : Portrait lucide et froid d'une Amérique autosatisfaite où l'argent, la corruption et la violence règnent en maîtres, American Psycho, qui fit scandale lors de sa parution aux Etats-Unis, est aujourd'hui un best-seller mondial.

Présentation du livre par Michel BRAUDEAU

Patrick Bateman est, hélas, un des personnages de roman les plus intéressants qu'on ait créés au cours des dix dernières années. Il a 26 ans, il est beau, riche, intelligent, c'est un des brillants golden boys de l'Amérique reaganienne. Il vit à Wall Street, Manhattan, dans les années 80, avant le krach. Il doit sans doute travailler dur, mais on ne le voit pas. Il dépense beaucoup d'argent, avec une science de l'élégance un peu primaire. Au contraire d'un vrai dandy, il ne vit, ne pense, ne juge qu'en fonction des marques de ses vêtements, de ses gadgets électroniques. Brummell n'est pas américain. Lui et ses amis n'ont qu'un nombre limité d'obsessions, apparemment, dont la mode masculine. On échange dans des bars très chics des conversations sur les avantages du col rond et les contraintes du gilet en tricot, qui ne supporte pas la ceinture et suppose donc des bretelles, etc. Il n'est pas de pire injure que de se traiter de vieux Benetton. Quant aux élans de l'amour, ils n'échappent à ce détachement clinique où l'auteur excelle : "Tandis que j'embrasse et lèche son cou, elle fixe un regard passionné sur le récepteur grand écran Panasonic à télécommande et baisse le son. Je relève ma chemise Armani et pose sa main sur mon torse", etc. Depuis le lever de Bateman, où nous avons droit à des pages incroyablement documentées sur la meilleure façon de préparer la peau du visage au feu du rasoir, de s'appliquer un masque désincrustant etc., jusqu'à la séance de gym au club Xclusive où, en short et débardeur Lycra, un walkman sur les oreilles, il écoute Christopher Cross en suant sur le Stairmaster, tout en évitant les avances du gay moustachu d'à côté, nous suivons le parcours du combattant du yuppie, qui se poursuit au Harry's, puis dans un restaurant ruineux, chez Pastels ou au Dorsia, où il est impossible d'avoir une place si l'on est pas quelqu'un, et enfin dans une boîte à la mode, le Tunnel par exemple. Après, il dort, suppose-t-on.

Et pourtant, dès le lendemain, Bateman est bien nerveux. Les cheveux plaqués, les mâchoires crispées, sûrement bourré d'amphétamines ou de coco de chez Noriega, il se rue au minable pressing chinois qui lui a rendu ses splendides draps achetés à Santa Fe et les déploie en hurlant. Ils sont dégoulinants de sang. C'est du jus d'airelle, sans doute, est-ce-que je sais, moi, dit-il à la vieille qui panique. Nous aussi. On l'a déjà vu peu sympathique, dans la rue, en train d'appâter les clochards en leur tendant un billet de dix dollars qu'il leur retire aussitôt d'un air réprobateur : est-ce que tu sais que tu pues, ne pourrais-tu pas te raser au moins? Sa haine des pauvres, des homosexuels et surtout des femmes est en fait illimité. Il faut quand même attendre quelques deux cent pages pour qu'il massacre au couteau un clochard et son chien dans la rue. Puis son collègue Owen, d'un superbe coup de hache entre les deux yeux. Puis un gosse au zoo. Quant aux femmes, c'est fou ce qu'on peut faire avec une perceuse, un pistolet à clous, du gaz asphyxiant et de l'acide, un rat et du fromage. Fou, le terme est un peu doux. Bateman est un psychopathe, un de ces sérial killers, dont la presse et l'opinion se régalent aux Etats-Unis, tout en criant d'horreur, et que le cinéma a popularisé avec Le Silence des Agneaux (là encore grande horreur, grosse recette), détraqués au sadisme sans bornes qu l'on enferme ou que l'on gaze, ou que l'on électrocute, mais dont on fait aussi, avec des centaines d'heures de télévision, des centaines de journaux vendus, ses choux gras. Criminels dont la gloire engendre d'autres vocations, par imitation, phénomène sobrement désigné par le terme copy-killer. Après tout, pendant les arrestations, le spectacle doit continuer. Plus encore que le ton neutre qu'utilise Bateman pour raconter ses crimes, ce qui a choqué les américains est qu'il soit un symbole de réussite, un de ses enfants dorés. Qu'à la fin du roman, il reste impuni. Que l'auteur lui donne, entre autres armes, un humour froid comme un bistouri.

Norman Mailer et Umberto Eco ont pris la défense d'Ellis. Par principe. Parce qu'il ne faut pas confondre l'auteur et ses personnages, la fiction et l'intention, parce qu'on ne peut pas vouloir protéger Salman Rushdie et interdire Ellis. C'est un roman, ce n'est pas Mein Kampf. De plus, c'est un roman qui a été commandé pour de l'argent, et qui se vend bien. Personne n'oblige les lecteurs, que l'on sache. S'il y a violence, c'est une violence de tout le monde, connue, commercialisée. Et s'il y a hypocrisie, elle est générale.

Au demeurant, la défense de Mailer est embarrassée, il trouve les scènes de cruauté mal écrites. Il est peut-être jaloux. Ellis lève les yeux au ciel, l'air d'un énorme bébé innocent, rétorque doucement qu'il s'agit du journal d'un psychopathe et que dans le feu de l'action on ne fait pas d'effet de style. Il a raison, mais c'est faux. Bateman et son auteur Ellis ont du style à revendre. Le portrait de ces années dominées par l'argent est répugnant comme l'époque. La superficialité d'un monde entièrement télévisé est traduite à la perfection par l'écriture glacée, monotone, souple d'Ellis (on est tenté d'oublier cette fois son étiquette de "minimaliste"...), et s'il n'avait pas de talent dans les scènes de torture, on ne voit pas comment elles seraint aussi insoutenables à lire. Il suffit de comparer avec les journaux d'autres serial-killers publiés ces temps-ci. Vrais ou réinventés, leurs Mémoires sont sans doute horribles et cinglés, mais ils sont faibles, parce que tout le monde n'est pas écrivain, et que beaucoup n'ont pas le moindre soupir du talent terrible d'Ellis. C'est bien toute la morale de l'affaire.

Ma critique: Jamais un livre n'aura donné naissance à un tel degré d'horreur. AMERICAN PSYCHO est le genre de livre que l'on lit de loin, par séquence, tant les scènes de meurtre sont atroces. C'est une oeuvre étouffante, suffocante mais si bien écrit qu'il est impossible de lâcher le livre avant de l'avoir fini. Pourtant, dès les premières lignes, Patrick Bateman nous apparaît comme un personnage superficiel, ne fonctionnant que sur des idées préconçues : les clodos sont des êtres abjectes, les gay des personnes faibles et les femmes, un tas de chair tout juste bon à assouvir un besoin physyque (une fois consommé, on décapite et on jette). Malgré le côté antipathique du héros, on se laisse aller, péniblement, dans cette histoire sordide de yuppie aux tendances meurtrières. Il n'est pas étonnant que ce livre ait engendré une grosse polémique aux Etats-Unis où le puritanisme est très présent mais Bret Easton Ellis ne fait que décrire les produits de la société américaine, pays où les armes sont légales et où le taux de meurtres est le plus important au monde. De plus, le livre ne se termine pas par un happy end, ce qui fait tâche noir dans une société (hollywoodienne dirais-je) habituée à voir ses meurtriers condamnés. Quoi qu'il en soit, AMERICAN PSYCHO est un livre admirable qui ne laissera indifférent aucune personne : bref, une oeuvre culte . Et pour répondre à ceux qui voient dans ce genre de livre une source d'inspirations à certains psychopathes, je dirais qu'il appartient aux personnes de se maîtriser et que l'on ne peut maîtriser toutes velléités meurtrières. Où alors, arrêtons toute création artistique : plus de livres de Stephen King, plus de films d'horreur... Bret Easton Ellis est un auteur formidable, un adolescent des années 80, qui a su largement capté l'air du temps et qui mérite du respect de la part du public et de la profession littéraire.

 

 LE FILM

Après moult rebondissements, le projet d'adapter AMERICAN PSYCHO de Bret Easton Ellis connaît un dénouement heureux. L'équipe de tournage dirigée par Mary Harron s'est finalement installée à Toronto, malgré l'accueil peu enthousiaste de certaines associations*, pour commencer les prises de vue. Le chef d'oeuvre d'Ellis paraît inadaptable pour le cinéma et l'horreur des scènes de meurtre présente une difficulté supplémentaire. La réalisatrice a donc opté pour le côté de la satire plutôt que de la "boucherie" pratiquée par le héros, Patrick Bateman. Le film insiste donc sur l'interchangeabilité des hommes des années 80, leur obsession permanente, leur compétitivité incessante dans des domaines traditionnellement connotés féminins tels que le poids, la peau, les crèmes, les vêtements... Cependant, selon un internaute qui a lu le script, l'histoire est fidèle à 90% du roman d'Ellis et ne sera pas une réplique bâtarde du livre comme l'avait été l'adaptation de Moins que Zéro. Ce sera plutôt un condensé des meilleurs moments du livre. En raison de la longueur du roman, beaucoup de scènes ont été écartées (la scène au concert de U2, la mort de l'enfant au zoo...) et le film utilise la technique de la voix off pour le personnage de Bateman. L'adaptation est donc actuellement en post-production et devrait sortir au cinéma d'ici la fin de l'année. Pour interpréter Patrick Bateman, plusieurs noms avaient été évoqués dont celui de Leonardo Di Caprio. Ce sera finalement Christian Bale (Velvet Goldmine) qui prêtera ses traits au héros du livre. Reese Witherspoon, Willem Dafoe et Samantha Mathis feront également partie de la distribution.

* Le film a faillit voir son tournage s'arrêter. En effet, le 19 février, une dépêche du site américain Infoculture énonçait la polémique. A Toronto, Debbie Mahaffy a rejoint le combat pour arrêter le tournage d'American Psycho. Mahaffy est la mère de Leslie Mahaffi -une des deux adolescentes kidnappées, torturées et finalement tuées par Paul Bernardo- Le livre est accusé d'être à l'origine des actes sexuels et criminels de Paul Bernardo. Un exemplaire du livre a été retrouvé à son domicile lorsqu'il a été arrêté en 1993. Sommes-nous en train de retomber dans la polémique du film Tueurs Nés d'Oliver Stone?

 

 Les autres livres de Bret Easton Ellis

Moins que zéro

Moins que Zéro n'a rien d'un manifeste. C'est un roman de Los Angeles, ville dure, ville sans âme. "On peut disparaître ici sans même s'en apercevoir", écrit Bret Easton Ellis. L'auteur (qui a seulement vingt ans) ne cherche d'ailleurs pas à nous dire autre chose que ce vide, ce sentiment d'une existence privée de sens. Pour autant, son récit ne tourne pas en rond. Il y a, au contraire, chez Ellis une extraordinaire puissance de la narration. Il nous ébranle ce petit jeune homme. Ses références, il ne faut pas aller les chercher en littérature mais plutôt du côté du rock, ce reflet clinquant de notre époque. A l'image de cette musique, Ellis est spontané, violent et son expression dépouillée. Le roman des années 80 est né. Ouf! il était temps.

Bernard Géniès -Le Monde-

 

Les lois de l 'attraction

L'auteur de Moins que Zéro décrit dans son second livre une nouvelle descente aux enfers qui se situe dans l'université. Ses héros, des étudiants issus d'une bourgeoisie typée, trempent, d'une dérive à l'autre, dans les illusions du sexe et de la drogue, sur un fond de rock...Bret Easton Ellis peint une génération en négatif en montrant les impasses des désirs, des urgences existentielles et des manques. Tout cela au moyen d'une écriture sobre, rapide et brute. La phaséologie de cette décennie contient à elle seule toute une micro-histoire. Une langue.

Patrick Amine -Art Press, 1988-

 

Zombies

Les trois meilleurs écrivains américains vivants sont Bret Easton Ellis, Bret Easton Ellis et Bret Easton Ellis. Tous les autres donnent sommeil (...). On lui reproche de ne parler que de sexe, de violence et de fric, mais c'est l'Amérique qu'il décrit -le pays qui mélange le mieux ces trois ingrédients. Dans Zombies, son quatrième livre, il enfonce le clou. On retrouve ses héros superficiels qui hésitent entre se tuer, regarder MTV ou reprendre un Valium (...). C'est un livre incroyable. Ellis fait précisément à la littérature ce que Basquiat a fait de la peinture : la réveiller.

Frédéric Beigbeder -Elle-

Zombies est un livre impressionniste se découpant en treize chapitres. Treize narrateurs qui se connaissent tous. On découvre donc des personnages tels que la célèbre rock star, Bryan Metro, qui peut violer les groupies de son world tour sans se préoccuper de mettre une capote (pour précision, l'action du livre se déroule à Los Angeles en 82, juste avant le sida), tabasser les femmes de chambre ou se bourrer de coke. On découvre aussi Anne, étudiante à Camden, qui part quelques jours chez ses grands parents, propriétaires d'un studio de cinéma à Hollywood. Elle va découvrir les Mercédés, les vitamines et la coke en travaillant sur des scripts avec le scénariste de Miami Vice. Bret Easton se parodie lui-même. Il est conscient de se répéter et force le trait. Mais le résultat reste toujours un pur plaisir.

 

Glamorama

Glamorama est actuellement en cours de traduction et devrait sortir en France fin octobre. Tout ce que l'on sait est que ce Bret Easton Ellis a mis huit ans à l'écrire. L'action se passe dans le domaine de la mode (comme le livre Glamour Attitude de Jay McInerney), du show-biz. L'auteur fait un peu le procès des top-models, des acteurs et millionnaires qui font l'objet aujourd'hui d'admiration et de culte de la part du public. L'histoire est centrée sur le personnage de Victor Ward qui va évoluer dans le monde des stars vivant à New-York City vers celui du terrorisme et de la violence. Un univers propre à l'écrivain qui devrait nous entraîner une nouvelle fois dans un monde superficiel et violent, à l'image de la société américaine.

Retrouvez les couvertures américaines des livres d'Ellis

 

(cliquez ici pour accéder à la galerie )

 

Voici les 2 sites les plus intéressants concernant Bret Easton Ellis :

: http://www.geocities.com/Athens/Forum/8506/

Beat, Whisky et Poésie, un site très sympa sur Ellis mais aussi d'autres auteurs tels que Burroughs, Charles Bukowski, Kerouac... : http://www.multimania.com/jkerouac/

 

A bientôt pour la sortie de Glamorama